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HSBC accusée de crime contre l’Etat

La première plainte pénale contre une banque ayant livré aux Etats-Unis les noms de ses employés a été déposée vendredi auprès du ministère public fédéral. Motif: crime contre l’Etat et la défense nationale.

La plainte est datée du vendredi   8 juin et le Ministère public de la Confédération pourra s’y atteler dès lundi. Le document, dont «Le Matin Dimanche» a obtenu copie, accuse l’établissement HSBC Private Bank (Suisse), l’ensemble de son conseil d’administration ainsi que son nouveau patron Franco Morra de violation du secret bancaire, de «crime contre l’Etat et la défense nationale» et de «renseignements économiques» au profit d’un gouvernement étranger.

L’avocat genevois à l’origine de la procédure, Douglas Hornung, a recueilli ces dernières semaines les témoignages de dizaines d’employés de banque ayant appris que leur nom figurait parmi les milliers de documents, de notes et d’e-mails transmis aux autorités américaines par leurs employeurs. «Le Matin Dimanche» avait révélé le 27   mai dernier que la banque HSBC avait à elle seule livré les données de 1100 employés, anciens ou actuels. Parmi les informations transmises figure également le registre complet des appels téléphoniques passés entre la banque et les Etats-Unis. Le nombre de personnes désignées dépasserait les 10 000 pour les onze banques visées par la justice américaine.

Prime pour «bonne délation»

Pour l’heure, peu d’entre eux se disent prêts à contester en justice cette livraison qu’ils vivent pourtant comme une «trahison». Eric Delissy sera donc le premier à se lancer. Le retraité, qui a officié comme avocat en chef de HSBC de 1988 à 2003, s’est porté partie civile dans la procédure initiée par Douglas Hornung. Ils espèrent tous deux que ce geste encouragera d’autres personnes touchées à contester en justice la mesure dont ils ont fait l’objet. Comme tous ceux dont l’identité a été transmise, Eric Delissy craint des conséquences dramatiques. Il reproche à HSBC de l’avoir désigné comme un «criminel potentiel», alors qu’il a toujours fidèlement suivi les instructions de sa direction. «On sacrifie ainsi plus de 1000 personnes bénéficiant des protections fondamentales du droit suisse pour qu’une banque «suisse» mais détenue par un groupe étranger ne soit pas condamnée pénalement aux Etats-Unis, ou bénéficie d’une amende réduite pour bonne conduite ou bonne délation», tonne l’avocat en retraite dans sa plainte.

Les onze banques concernées par des enquêtes pour fraude fiscale avaient reçu la bénédiction de la ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf pour collaborer avec la justice américaine en avril dernier. «Le secret absolu des données bancaires ne concerne que des clients», avait-elle justifié par la suite à la RTS: «Les données des employés peuvent être transmises à des autorités étrangères si elles ont l’accord du Conseil fédéral s’il en va de la défense de ces banques. »

Comme plusieurs autres experts, Douglas Hornung conteste cette interprétation juridique qui suggère le recours au droit d’urgence sans le nommer. Sollicitant le Ministère des finances pour plus de précisions, l’avocat s’est vu répondre que les autorisations avaient été délivrées sous la forme de «décisions individuelles» à chacune des banques. «Comme dans l’affaire UBS, souligne Douglas Hornung, le Conseil fédéral se défausse en disant qu’il ne décide rien, tout en laissant les banques agir en leur assurant qu’elles ne risquent aucune poursuite pénale. Il n’existe pourtant pas d’arrêté, aucune décision officielle portée au registre des lois», poursuit l’avocat, qui justifierait cette entorse aux articles   271 et   273 du Code pénal. Ceux-ci punissent par la prison «celui qui, sans y être autorisé, aura procédé sur le territoire suisse pour un Etat étranger à des actes qui relèvent des pouvoirs publics».

«Le Conseil fédéral n’a aucun pouvoir pour absoudre d’ores et déjà les responsables des banques de sanctions pénales», affirme la plainte. Ceux-ci savaient qu’ils violaient ces dispositions, affirme en outre Eric Delissy. La preuve? Ils ont expressément demandé un «feu vert» officieux du gouvernement. La plainte au MPC, se réjouissent ses auteurs, sera l’occasion de déterminer si ce blanc-seing pourra être défendu à l’aune du droit existant. HSBC n’a pas souhaité commenter.