Dix-huit Suisses sont visés par des avis de recherche Interpol, qui restent sans effet sur notre territoire. L’un d’entre eux, soupçonné d’appartenir à un réseau de criminels organisés, coule une retraite paisible près de Lausanne. Des banquiers craignent aussi d’être visés par une telle mesure
Son avocat lui a conseillé de rester très discret. Et pour cause. Alain Vayda, 70 ans, citoyen suisse d’origine française, est visé par un mandat d’arrêt international. Fait rarissime, le Suisse fait aussi l’objet d’un avis de recherche public diffusé sur Internet. Ils sont 18 en Suisse à faire l’objet d’une mesure aussi drastique. Leur photo, leur nom et leur signalement sont affichés sur le site d’Interpol sous la section «personnes recherchées».
Alain Vayda est poursuivi par les autorités canadiennes avec un autre Suisse établi au Tessin, Régis Dini. Ils sont recherchés pour «fraude et appartenance au crime organisé». Celui qui aurait été leur partenaire en affaire, Ronald Chicoine, a été condamné à 45 mois de prison ferme le 16 décembre dernier à Montréal pour avoir blanchi 48 millions de dollars canadiens (44 millions de francs). Le réseau de Ronald Chicoine lavait l’argent du crime organisé via des sociétés écrans en Europe, notamment en Suisse. Plus de 5 millions de francs ont été saisis à l’étranger, dont dans deux banques helvétiques.
L’avis Interpol demande à toute personne détenant des informations sur Alain Vayda de contacter la police «nationale ou locale». Si vous le faites, la gendarmerie vaudoise vous écoutera poliment mais ne bougera pas. Car tant qu’il reste dans le pays, le Suisse ne risque rien. Comme plusieurs autres pays européens, la Suisse n’extrade pas ses ressortissants, confirme Folco Galli, porte-parole de l’Office fédéral de la Justice (OFJ).
Reste que la mesure demandée par le Canada dans le cas d’Alain Vayda est toutefois exceptionnelle. Dans l’immense majorité des cas, les mandats d’arrêts internationaux sont émis de façon confidentielle, ce qui augmente les chances qu’un individu recherché se laisse surprendre au passage d’une frontière. Plus de 20 000 de ces mandats sont émis chaque année en Europe.
Dans de très rares cas, l’autorité à l’origine de la demande peut demander que cette mesure soit doublée d’un avis de recherche public diffusé sur le site d’Interpol. Sur les 18 Suisses concernés, la plupart sont poursuivis en Asie ou en Amérique latine dans des affaires d’abus sexuels sur mineurs ou de traite des blanches. Mais pas seulement. Y figurent aussi un avocat zurichois, Felix Mathis, et un ancien gérant d’UBS, Martin Lack. Tous deux sont recherchés pour fraude fiscale par les Etats-Unis. Felix Mathis continue d’exercer au sein du prestigieux cabinet d’avocats Froriep Renggli, à Zurich.
Si des dizaines de banquiers suisses craignent également d’être la cible d’un mandat d’arrêt Interpol, e milliardaire Thomas Schmidheiny pourrait lui aussi faire l’objet d’une telle mesure. Condamné à 16 ans de prison il y a dix jours par un tribunal de Milan, l’ancien propriétaire des usines Eternit a fait appel. Mais les autorités italiennes seraient déjà en mesure d’émettre un mandat international à son encontre.