Après un long bras de fer avec le percepteur australien, Paul Hogan a fini par régler ses arriérés. Il veut maintenant récupérer ses millions cachés en Suisse. Mais ses intermédiaires genevois refusent de lui rendre le magot.
«Un couteau, ça? Non… ça, c’est un couteau!» Crocodile Dundee avait la partie facile dans la scène culte du film de 1986 qui scellait son premier baiser avec la belle journaliste Sue Charlton. Vingt-sept ans plus tard, ce baiser a survécu à la fiction. En 1990, Paul Hogan et Linda Kozlowski s’étaient dit oui dans la vraie vie, et comptaient couler des jours heureux dans leurs belles maisons surplombant l’océan à Malibu.
Le percepteur australien est venu troubler ce bonheur en 2005. Accusé d’avoir abrité des millions de dollars de royalties dans des paradis fiscaux, Paul Hogan a d’abord montré les crocs. Depuis les Etats-Unis, il a nié, fait recours et porté plainte contre des journalistes.
L’Australian Taxation Office (ATO) lui met finalement la main au collet en 2010 lorsque l’acteur rentre au pays pour les funérailles de sa mère Flo, morte à 101 ans. A Malibu, Linda Kozlowski est «effondrée», racontait la presse people. Sous le coup d’une interdiction de quitter le territoire, Paul Hogan a fini par transiger. En 2012, l’ATO abandonnait ses poursuites pénales et l’acteur signait un accord dont les termes n’ont pas été révélés.
Happy end? Pas vraiment. Comme le révèle «Le Matin Dimanche», bien que fiscalement blanchi, Crocodile Dundee a cette fois un nouveau problème: il ne parvient pas à remettre la main sur 34 millions de dollars abrités depuis près de vingt ans sur le compte 379xxx de la Corner Bank de Lausanne. Car si cacher sa fortune en Suisse était chose relativement aisée dans les années 90, la récupérer des années plus tard lorsqu’on se fâche avec ses intermédiaires genevois en est une autre.
L’histoire remonte à 1994, lorsque Paul Hogan crée un trust baptisé Quatre Saisons, en français dans le texte. Celui-ci détient le compte lausannois par l’intermédiaire d’une autre société, Strachans SA, elle-même détenue par deux comptables basés à Genève, Philipp Egglishaw et Eric Figuereido.
Lorsque Paul Hogan s’installe fiscalement aux Etats-Unis, en 2005, où il déclare cette fois ses revenus et sa fortune, il renomme le trust Carthage et mandate un nouveautrustee. Mais le compte lausannois reste confié aux bons soins des deux intermédiaires genevois.
En 2006, voilà que les noms de Philipp Egglishaw, d’Eric Figuereido et de la société Strachans apparaissent au cœur d’un immense scandale de fraude fiscale qui secoue toute l’Australie. L’enquête de l’ATO débouche sur des dizaines d’arrestations. Les traces de nombreuses sociétés offshore utilisées dans ces fraudes fiscales remontent de Sydney vers la Suisse et ses banques, comme le montrent les données recueillies par l’International consortium of Investigative Journalists (ICIJ) auxquelles «Le Matin Dimanche» et la SonntagsZeitung ont eu accès.
Extradé depuis Jersey à la demande de l’Australie, Eric Figuereido, 60 ans, a été condamné début mars à six ans de prison pour avoir aidé ses clients à frauder le fisc. Toujours en Suisse, Philipp Egglishaw est, quant à lui, sous le coup d’un mandat d’arrêt émis par les autorités australiennes.
Le problème pour Paul Hogan est que cet ancien intermédiaire cerné à son tour par la justice australienne refuse désormais de lui donner des nouvelles de son compte lausannois. «La société Strachans a fourni pendant des années au trustee tous les comptes dont M. Paul Hogan avait besoin pour remplir sa déclaration d’impôt, explique l’avocat Miguel Oural de l’étude Lenz & Staehelin, à Genève, qui défend les intérêts de Paul Hogan. Nous ne comprenons pas pourquoi elle a soudainement cessé de le faire. »
Les avocats de Paul Hogan disent leur «grande préoccupation». Qu’est-il advenu de l’argent? Est-il toujours bien là? Pourquoi Philipp Egglishaw refuse-t-il d’en redonner l’accès au trustee? Fin décembre 2012, le gérant américain du trust Carthage a porté plainte devant une Cour fédérale de Californie contre Strachans SA et contre Philipp Egglishaw.
Le tribunal s’est dessaisi, mi-février, estimant ce litige hors de sa juridiction. L’avocat américain de Philipp Egglishaw et de Strachans, Brian Merryman, constate que le gérant du trust de Paul Hogan n’a pas fait appel et que ce dernier n’a pas lancé d’autres plaintes.
«C’est exactement ce qui va se passer», prévient Miguel Oural, qui confirme que Paul Hogan «envisage d’initier une nouvelle procédure en reddition de compte dans une juridiction qui reste à déterminer».
Paul Hogan et Linda Kozlowski ont visiblement besoin de cet argent resté en Suisse. En février dernier, le couple a mis en vente ses deux maisons de Malibu, pour 11 millions de dollars.