L’accord scellé par la justice genevoise permet aux avocats du Nigeria et de la famille Abacha de se partager des dizaines de millions de francs.
Cet article est paru dans L’Hebdo le 19 mars 2015. Photo: l’avocat du Nigéria, Enrico Monfrini.
Par Marie Maurisse et François Pilet
L’accord confidentiel de «rapatriement» validé par la justice genevoise porte sur 1,1 milliard de dollars. Sur ce montant, 480 millions sont encore bloqués par les autorités américaines. Le reste des fonds, 650 millions, se partage entre le Liechtenstein (rendus en juin 2014) et le Luxembourg (mars 2015).
Sur ces 650 millions, l’étude genevoise CMS von Erlach Poncet a déjà touché près de 17 millions de francs au titre de l’accord qui lui attribue 2,8% des sommes restituées. Il s’avère, de source judiciaire, que le cabinet genevois a rétrocédé plus de 70% de ce montant à l’étude britannique Byrne and Partners, qui défend les Abacha depuis quinze ans, et à l’avocat nigérian d’Abba Abacha, Abdullahi Haruna.
Le cabinet Seeger, Frick & Partner du Liechtenstein a perçu un peu plus de 1 million de francs.
Les études genevoises qui se sont succédé pour défendre la famille, soit l’étude de Bruno de Preux et CMS von Erlach Poncet, se partagent le solde, soit environ 1,5 million de francs pour la première et 1,8 million pour la seconde.
Christian Lüscher, qui défend le fils du dictateur depuis décembre 2011, estime cette rétribution «tout à fait justifiée au vu du résultat». La réponse est identique chez son confrère, le défenseur du Nigeria Enrico Monfrini.
Même si, avec 4% des montants restitués, ce dernier s’arroge une part bien plus importante du gâteau. Son étude a déjà perçu 24 millions de dollars. «Le premier à s’en réjouir est le percepteur», tempère l’avocat.
Une fois déduits les frais engagés et les honoraires de ses partenaires, il estime son revenu net à environ 5 millions de francs.
«Les gens n’imaginent pas le travail colossal qu’a représenté la traque des milliards pillés par le clan Abacha, explique-t-il. Les frais engendrés par une telle affaire sont considérables. Depuis septembre 1999, il n’y a pas un jour où notre cabinet n’a pas travaillé sur ce dossier. Cela ne me dérange pas du tout qu’on dise combien je touche.»