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Un faux vendu à Genève fait tomber une prestigieuse galerie new-yorkaise

Le marchand Marc Blondeau avait craqué pour un tableau d’origine douteuse, mais qu’il comptait revendre à bon prix. C’était un faux. Le FBI s’intéresse à l’affaire, qui a provoqué la fermeture d’une prestigieuse galerie new-yorkaise Knoedler.

La nouvelle a fait des gorges chaudes dans les allées de Miami Art Basel début décembre. Un jour avant l’ouverture de la foire d’art contemporain, le 30   novembre, la plus prestigieuse galerie d’art new-yorkaise, Knoedler & Company, annonçait avec un «profond regret» sa fermeture «définitive» après 165 ans d’histoire.

Selon un avocat de Knoedler interrogé par le New York Times, cette décision «mûrement réfléchie» n’aurait rien à voir avec une salve de procédures judiciaires lancées par deux célèbres courtiers et collectionneurs d’art, le Belge installé à Londres Pierre Lagrange, et le Genevois d’adoption Marc Blondeau. Tous deux disent avoir été floués par les propriétaires de Knoedler et par un de ses experts, Julian Weissman, qui leur aurait menti sur l’origine de tableaux qui se sont révélés être des faux.

Collection cachée

Selon le New York Times, le FBI s’intéressait à la galerie depuis 2009. Si l’ampleur de la fraude est encore inconnue, le doute s’installe sur des dizaines de Pollock, de Rothko, de Diebenkorn écoulés depuis plus de vingt ans via Knoedler par une intermédiaire de Long Island, Galfira Rosales. Celle-ci affirmait avoir mis la main sur la collection cachée d’un mystérieux collectionneur vivant «au Mexique et en Suisse», qui aurait hérité de quantité d’œuvres acquises par son père dans les années 50, parfois directement auprès d’artistes comme le peintre américain Robert Motherwell.

C’est justement pour un de ces Motherwell, intitulé «Elégie espagnole» et daté de 1953, que Marc Blondeau avait craqué en 2007. Le marchand d’art français installé à Genève depuis 2001, ex-président de Sotheby’s en France et conseiller de l’homme d’affaires François Pinault, avait déboursé 650 000 dollars pour la toile. Selon des documents de justice, Marc Blondeau comptait la revendre avec un important profit à un «investisseur européen». Mais Marc Blondeau aurait eu des doutes lors d’une rencontre avec Julian Weissman en novembre 2006. Il aurait demandé de nouvelles expertises, avant d’acheter finalement le tableau en 2007. Le pot aux roses a été découvert lorsque la Fondation Dedalus, appelée pour expertiser l’œuvre, y a retrouvé des traces de pigments synthétiques fabriqués plus de dix ans après la mort de l’artiste. Après avoir porté plainte, Marc Blondeau est parvenu à un accord à l’amiable, en juin dernier, prévoyant le remboursement des 650 000 dollars par Julian Weissman.

Questions ouvertes

Cet aveu a éveillé d’autres inquiétudes. Le 1er   décembre, au lendemain de l’annonce de la fermeture définitive de Knoedler, le collectionneur Pierre Lagrange portait plainte à son tour, cette fois directement contre Knoedler, réclamant le remboursement de 17   millions de dollars pour un Pollock acquis en 2007. Son propriétaire se serait récemment rendu compte qu’il s’agissait d’un faux, ce qui surprend les experts.

La fondation Dedalus fait remarquer que des questions restent aussi ouvertes sur l’attitude de Marc Blondeau dans cette affaire. «S’il avait des doutes sur l’origine du tableau, pourquoi n’a-t-il pas contacté la fondation Dedalus (en charge du catalogue raisonné de Motherwell, ndlr) en novembre 2006? Cela reste un mystère», estime la fondation dans une déposition. Marc Blondeau n’a pas répondu à nos messages. Son défenseur dans cette affaire, l’avocat Edmond Tavernier, n’a pas non plus retourné nos appels.