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Unicredit tire un trait sur ses coûteuses années folles

Unicredit a dépensé des milliards pour s’étendre en Europe de l’Est, en Ukraine et au Kazakhstan. Le nouveau patron d’UBS, Sergio Ermotti, était alors son numéro deux. Cette semaine, la banque a passé par pertes et profits une bonne partie de ces investissements douteux.

Sergio Ermotti, alors adjoint du CEO Alessandro Profumo et chef de la division «marchés et banque d’investissement», ressentait-il une pointe de malaise? «L’histoire d’Unicredit est une histoire d’acquisitions, expliquait-il lors d’un entretien avec l’agence Reuters, en novembre 2007. Mais je crois que nous avons atteint la masse critique, et que nous pouvons dorénavant nous montrer plus sélectifs. »

Sélectif, le mot était bien choisi. Quatre mois plus tôt, Unicredit avait dépensé 4,4   milliards de dollars en cash pour racheter coup sur coup deux établissements sulfureux, Ukrsotsbank en Ukraine et ATF Bank au Kazakhstan. Outre remplir les poches d’oligarques locaux, ces deux opérations se sont révélées des puits sans fond pour la banque italienne.

8,6   milliards en trois lignes

Cinq ans plus tard, Unicredit tourne la page de l’ère Profumo et de son adjoint Ermotti, tous deux partis fin 2010, en admettant que ces investissements ne valent aujourd’hui plus un kopeck. De 2005 à 2008, soit depuis l’arrivée de Sergio Ermotti en tant que numéro deux du groupe, Unicredit a dépensé 60   milliards d’euros en acquisitions diverses et variées, propulsant l’établissement dans le top   5 des institutions financières européennes.

Cette expansion passait par la Russie, l’Asie centrale, la Turquie et les pays de l’Est, ces «marchés émergents» que Sergio Ermotti aimait placer tout en haut à droite sur les graphiques de ses présentations de résultats, où l’abscisse représentait le potentiel de croissance et l’ordonnée les profits attendus.

Lundi, alors que les analystes misaient sur un modeste bénéfice, Unicredit a surpris les marchés en dévoilant une énorme perte de 10,6   milliards d’euros au troisième trimestre. Le plus gros de cette somme, 8,6   milliards d’euros, est présenté en trois lignes dans le rapport de 325 pages publié lundi. La somme y figure en tant qu’«amortissement sur le goodwill», la valeur comptable des différentes acquisitions de la banque.

Par ce délestage en masse «d’actifs intangibles», Unicredit passe en réalité par pertes et profits une série de mauvais investissements et des crédits pourris accumulés au long de son expansion à marche forcée lancée en 2005. «Prendre un amortissement revient à dire que vous avez fait une mauvaise affaire, en achetant trop cher et au mauvais moment», résume Loïc Bendh, analyste à la banque Bordier.

«Modèle de candeur»

Pour Jonathan Weil, éditorialiste de l’agence financière Bloomberg, cette «bombe» lâchée par l’établissement italien est la preuve qu’il n’est désormais plus possible de se fier aux comptes des banques européennes, qui refusent de revoir à la baisse la valeur de leurs acquisitions d’avant la crise. Le problème est que le fait de reconnaître ces pertes est embarrassant pour le management. En effet, le «goodwill» ne se base pas sur la valeur de marché des actifs, mais sur les profits futurs tels qu’estimés par la direction.

Pour Jonathan Weil, Unicredit apparaît comme un «modèle de candeur» quand on la compare à d’autres, comme la française Crédit Agricole, qui estime son propre «goodwill» à 19   milliards d’euros, soit 7 de plus que sa capitalisation boursière. «La surprise n’est pas qu’Unicredit encaisse une perte de 10,6   milliards au troisième trimestre, poursuit-il, mais plutôt que la direction ose reconnaître son existence. »

Unicredit a promis de donner des précisions «dans les prochains jours» sur la composition exacte des 8,6   milliards d’amortissement encaissés lundi. Seule certitude, les investissements dans les banques ukrainienne et kazakhe ont été entièrement dépréciés.

Il était temps. Un an à peine après avoir racheté ATF Bank pour 2,3   milliards à l’homme d’affaires Bulat Utemuratov, proche du président kazakh Noursoultan Nazarbaev, les comptes de la banque avaient soudainement plongé dans le rouge. Dans le cas d’Ukrsotsbank, reprise au même moment pour 2,1   milliards de dollars à un collectif d’investisseurs anonymes, la situation n’était pas meilleure. Fin 2010, la banque affichait un taux de défaut de 39% sur son portefeuille de crédits, un record qui faisait même frémir les analystes locaux.

Selon l’agence Bloomberg, les bilans des banques européennes seraient surestimés de 270   milliards d’euros par du «goodwill» correspondant à des acquisitions opérées avant la crise, et qui n’ont désormais plus aucune chance de réaliser dans un délai raisonnable les profits espérés à l’époque. Après Unicredit, nombreuses sont celles qui devront pourtant s’y résoudre.