UBS est de retour au casino des subprimes

Alors que la BNS n’a pas fini d’écouler les produits toxiques récupérés lors du sauvetage de 2009, la grande banque reprend de plus belle son activité de«titrisation». Pour assouvir cette soif de crédit, UBS achète des supermarchés dans le Minnesota et des gratte-ciel dans le New Jersey. Un business qui se chiffre déjà en milliards de dollars. Poursuivre la lecture

Les crédits toxiques d’UBS vont lui rapporter des milliards

En sauvant UBS en 2008, le contribuable suisse est devenu propriétaire de centaines de biens immobiliers aux Etats-Unis. Ils sont détenus via une société offshore inscrite au Delaware, Stabfund USA Inc. A New York, 70 traders d’UBS travaillent d’arrache-pied pour les revendre. S’ils y parviennent, cette division pourra gagner des milliards. Et peut-être même devenir la plus profitable du groupe. Poursuivre la lecture

Le chef enquête sur ses propres défaillances

Etonnant: l’investigation interne d’UBS sur la perte de 2,3   milliards du trader Kweku Adoboli est menée par l’Américain Tom Daula, l’ancien chef des risques de la banque d’affaires. Celui-là même qui n’avait rien vu de la fraude pendant trois ans…

Dans le monde des banques d’affaires internationales, Tom Daula présentait un curriculum en or massif. Avant d’entrer chez UBS en 2008, il avait passé neuf ans dans la prestigieuse firme new-yorkaise Morgan Stanley. Son patron d’alors, John Mack, ne tarissait pas d’éloges à son égard, le décrivant en août 2007 comme «l’un des meilleurs de tous les spécialistes du risque.»

Manque de chance: quatre mois plus tard, la banque encaissait une perte de 9,4   milliards de dollars dans la crise des «subprimes» qu’elle n’avait pas vu venir. Cette tuile lui a valu d’être assigné dans une plainte collective par des actionnaires de Morgan Stanley – plainte d’ailleurs toujours ouverte aujourd’hui –, qui l’accuse de n’avoir pas réagi assez promptement lors de la débâcle de 2008. Cette ardoise n’a pas empêché l’Américain de rebondir, et plutôt vite. Trois mois après avoir démissionné de son poste chez Morgan Stanley, en juin 2008, Tom Daula entrait dans la banque d’affaires d’UBS. Comme chef du risque, au niveau mondial.
«Energie criminelle»
Octobre 2011, l’Américain se trouve à nouveau dans l’œil du cyclone. Depuis son entrée en fonctions mi-2008, c’est en effet à lui que revenait la tâche de veiller à toutes les casses potentielles qui pouvaient menacer la banque: abus de produits financiers toxiques, mauvais crédits ou, par exemple, fraudes d’employés indélicats. C’est là que le bât blesse: pendant trois longues années, lui et ses services n’ont rien vu de l’«énergie criminelle», selon l’expression d’Oswald Grübel, qui s’était saisie du jeune trader Kweku Adoboli et qui avait débouché à la mi-septembre sur une perte de 2,3   milliards de dollars pour la banque. Or, comme plusieurs sources l’ont confirmé au «Matin Dimanche», Tom Daula a été choisi pour mener l’enquête interne sur cette fraude.
Nommé en octobre 2010 au poste de directeur opérationnel de la banque d’affaires, Tom Daula se retrouve ainsi dans la position de devoir éclaircir les raisons de ses propres défaillances passées. Cette marque d’extrême confiance est d’autant plus surprenante que son nom avait été évoqué, dès la découverte de la fraude, dans le trio des fusibles potentiels aux côtés de Carsten Kengeter, chef de la banque d’affaires, et de celle qui lui avait succédé au poste de surveillant des risques, Maureen Miskovic.
Il y a plus étonnant encore. Selon une source bien informée au sein de la banque d’affaires à Londres, Tom Daula a notamment été chargé de «collecter des données» sur les opérations du courtier. Alors que sa responsabilité est engagée de manière évidente par les actes reprochés au trader de 31 ans, Tom Daula a-t-il vraiment intérêt à ce que toute la lumière soit faite et que toutes les traces soient retrouvées?
No comment
Interrogée vendredi, UBS s’est refusée à tout commentaire. La banque n’a toutefois pas démenti le rôle de Tom Daula, indiquant seulement qu’elle ne communiquait pas l’identité des personnes impliquées dans l’enquête. Celle-ci est dirigée par le chef de l’audit interne, James Oates, qui rapporte directement au président du conseil, Kaspar Villiger. Le département d’audit d’UBS emploie 313 personnes dans le monde. Toujours selon nos sources, James Oates aurait sollicité l’aide de Tom Daula pour sa fine connaissance des mécanismes de contrôle interne.
La banque n’est pas la seule à se pencher sur l’affaire. Outre l’enquête pénale pour abus de confiance et fraude comptable centrée sur Kweku Adoboli, les régulateurs bancaires suisses et britanniques, la FINMA et la Financial Services Authority, ont eux aussi lancé leurs propres investigations. Il serait ainsi hautement embarrassant pour UBS que les conclusions de ces recherches parallèles s’avèrent par trop divergentes.
La question à 2,3   milliards
Un point de ces rapports à venir sera notamment observé avec la plus grande attention. Si Kweku Adoboli avait commencé de tricher en 2008, comme l’affirme son acte d’inculpation, comment se fait-il que la perte de 2,3   milliards qui lui est reprochée ne concerne que les trois mois précédant sa chute? Que s’est-il passé avant? Est-il possible que ses opérations aient rapporté gros, et qu’elles n’aient été désignées comme «non autorisées» que le jour où elles se sont soldées par une perte? Tom Daula est un de ceux qui doit y répondre.
«MECS, VOUS NOUS DEVEZ 1.2   MILLIARD»
PLAINTE Outre ses responsabilités chez UBS, le passé de Tom Daula pose aussi son lot de questions. Elles renvoient à une précédente crise: celle des «subprimes». Retour sur image. Le 4   juillet 2007, un trader de la Deutsche Bank du nom de Greg Lippmann passe un coup de fil à ses confrères de Morgan Stanley. Il leur annonce une très, très mauvaise nouvelle: un immense portefeuille de titres «subprimes» sur lequel Morgan pariait à la hausse commençait à tourner de l’œil. En face, la Deutsche Bank misait à la baisse. «Les mecs, vous nous devez un point deux milliard, avait alors lancé le courtier, goguenard. Vous nous les virez d’ici la fin de la journée?»
L’échange a été rapporté par Greg Lippmann lui-même au journaliste Michael Lewis, auteur de l’excellent livre «The Big Short». La phrase est aussi citée dans une plainte civile lancée à New York par des actionnaires ruinés de Morgan Stanley, qui réclament des centaines de millions de dollars de dommages à la banque et à cinq de ses cadres.
Pas trois, mais neuf milliards
L’appel de Greg Lippmann aurait dû sonner comme un coup de semonce pour les dirigeants de Morgan Stanley, dont le patron John Mack, la cheffe des finances Zoé Cruz et Tom Daula, alors en charge de l’évaluation des risques. «Daula savait depuis le 4   juillet 2007 que l’exposition aux titres «subprimes» se montait à 10,4   milliards de dollars. Après l’appel de marge de la Deutsche Bank, Morgan Stanley aurait dû revoir ses méthodes d’évaluation des risques», selon la plainte déposée en novembre 2007, et qui a encore été étendue en juillet dernier.
Tom Daula ne serait pas resté totalement aveugle face au tsunami financier qui se préparait. Il avait averti Zoé Cruz en août que ses méthodes d’évaluation des risques n’étaient peut-être plus adaptées. Il estimait alors la perte à 3,4   milliards. Quatre mois plus tard, la banque dévoilait un trou de 9,4   milliards dans ses comptes. La démission de Tom Daula, en mars 2008, n’a fait l’objet que d’un bref communiqué. En juillet, il commençait son nouveau job chez UBS.