Credit Suisse est accusé d’avoir caché un compte appartenant à l’ex-premier ministre ukrainien. L’affaire renvoie à un autre politicien ukrainien corrompu dont les biens avaient été saisis à Genève: Pavlo Lazarenko.
Pour le Credit Suisse, c’est le fantôme de Pavlo Lazarenko qui rejaillit soudain de ce bel été 2000. Souvenez-vous: le groupe Modjo chantait «Lady Hear Me Tonight» et une «équipe de jeunes juges» dirigée par Bernard Bertossa avait «déclaré la guerre au crime organisé mondial». Ces «nouveaux incorruptibles genevois», comme les appelait L’Hebdo, savouraient une de leurs plus grandes victoires: la saisie de millions de dollars issus de la corruption et cachés en Suisse par l’ancien premier ministre ukrainien Pavlo Lazarenko. «C’était la première fois qu’un homme politique était condamné pour blanchiment d’argent à Genève», racontera plus tard Laurent Kasper-Ansermet, l’adjoint de Bernard Bertossa qui avait mené l’enquête. Douze ans plus tard, un placard oublié de cette affaire vient de se rouvrir.
Une plainte civile déposée aux Etats-Unis par une petite société du Massachusetts, Universal Trading & Investment (UTICo), a révélé mi-janvier qu’un autre ex-premier ministre ukrainien, Yulia Timochenko, avait usé des mêmes connexions helvétiques que son prédécesseur Pavlo Lazarenko pour mettre des millions de dollars à l’abri dans la filiale de Guernesey du Credit Suisse.
L’ancienne égérie de la Révolution orange a été condamnée à 7 ans de prison et 140 millions d’euros d’amende en octobre dernier en relation avec des accords sur les importations de gaz russe conclus lorsqu’elle était à la fois à la tête du gouvernement ukrainien et de la société pétrolière United Energy Systems.
UTICo a obtenu un jugement de 18 millions de dollars en sa faveur contre United Energy en 2005. La société se retourne aujourd’hui contre le Credit Suisse pour obtenir la restitution de cette somme. La plainte d’UTICo affirme qu’United Energy avait été créée dès 1995 par Pavlo Lazarenko et Yulia Timochenko pour se partager à 50-50 les mirifiques profits des contrats gaziers russes. Selon UTICo, le Credit Suisse et trois employés de la filiale de Guernesey auraient aidé Yulia Timochenko à cacher sa part du butin, dès 1998, alors que les comptes de son partenaire étaient bloqués par la justice genevoise.