Un ex-employé de la banque genevoise a été mis en examen jeudi dans le cadre de l’enquête sur le blanchiment de 109 millions de dollars par trois clients russes en 2011.
Nouveau rebondissement dans l’affaire des trois Russes et de leur magot de 109 millions partagé en liquide dans les locaux de la banque Bordier en mars 2011. S. G. , 37 ans, ancien gérant de fortune spécialisé sur le marché russe, a été inculpé jeudi pour «défaut de vigilance en matière d’opérations financières», a appris «Le Matin Dimanche».
Cette mise en examen intervient un peu plus d’un mois après la libération d’un des trois traders à l’origine d’une vaste fraude boursière conduite au détriment de la filiale de la banque russe Otkritie à Londres. Serguey Kondratyuk, 33 ans, était le seul membre du trio à avoir fini sous les verrous. Il a plaidé coupable en procédure accélérée devant le Tribunal correctionnel de Genève le 20 avril dernier. La question est depuis lors sur toutes les lèvres: qu’a pu raconter l’ancien trader au procureur Tappolet en échange de sa libération accélérée? A-t-il «chargé» ses anciens banquiers? Le juge en charge du dossier, Marc Tappolet, n’a pas souhaité faire de commentaire.
Bordier avait licencié S. G. dès l’éclatement de l’affaire, fin 2011. Une plainte aux Prud’hommes s’était soldée par une transaction à l’amiable. En privé, le jeune homme s’estimait «plutôt satisfait» de cette solution. Grégoire Bordier avait déclaré que ce licenciement n’avait rien à voir avec l’épisode des trois Russes. L’inculpation pénale de S. G. pourrait mettre en péril cet équilibre.
Signe d’un changement de stratégie, S. G. a fait appel depuis jeudi aux services d’un nouvel avocat. Il sera désormais représenté par Marc Bonnant. Ce dernier avertit d’emblée: son client n’a aucune intention de jouer les fusibles. «Si la tentation de la justice était d’imputer à un seul employé subalterne ce qui était, par hypothèse, un comportement délictueux vu, su et conçu par sa hiérarchie, je ne me résignerai pas à ce que l’on fît de mon client la seule cible de l’enquête», prévient le ténor du barreau.
«Nous ne faisons pas de commentaire au sujet d’une inculpation dans une affaire dans laquelle nous ne sommes que témoins», indique Nicolas Terrier, chef du service juridique de Bordier. Grégoire Bordier, qui a déjà été entendu à quatre reprises par le procureur Tappolet, sera à nouveau convoqué dans les prochaines semaines.
L’associé devra notamment expliquer comment un des Russes, Ruslan Pinaev, est parvenu à vider une dizaine de millions de dollars de son compte chez Bordier, en liquide et par des achats de bijoux, alors que les soupçons s’accumulaient contre le trio.
Selon nos informations, S. G. se serait opposé à ces retraits suspects, avant que Grégoire Bordier ne les autorise en partie suite à un appel de l’avocat genevois de Ruslan Pinaev. La banque avait finalement dénoncé ses trois clients au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS) quelques jours plus tard. Serguey Kondratyuk s’était fait pincer à l’aéroport de Zurich, mais son comparse Ruslan Pinaev avait pu fuir avant lui. Ce dernier est aujourd’hui réfugié en Israël, d’où il coopère avec la justice genevoise.